Les banques alimentaires ont récupéré près de 100 000 kgs de produits pour nourrir leurs communautés

Selon des études récentes, 58 % des aliments produits au Canada sont perdus ou gaspillés chaque année. Comme des recherches indiquent qu’un Canadien sur huit, soit 13 % de la population, a déclaré avoir eu recours à de la nourriture ou à des repas provenant d’un organisme communautaire au cours des 12 derniers mois, les banques alimentaires savaient que tant de nourriture inutilisée pouvait être récupérée pour soutenir des communautés partout au Canada, en plus de contribuer à la lutte contre les changements climatiques.
 
En 2019, grâce au financement de la Fondation Trillium, l’Unemployed Help Centre (l’« UHC ») de Windsor, Feed Ontario et Banques alimentaires Canada ont mis sur pied un partenariat afin d’évaluer les avantages de la récupération des fruits et légumes frais excédentaires provenant des terres agricoles fertiles du comté d’Essex.
 
Le projet s’appelle Farm to Food Program. L’UHC de Windsor et Feed Ontario ont collaboré avec les agriculteurs locaux pour donner des surplus alimentaires de qualité aux établissements de Windsor. Autrement, cette nourriture aurait été gaspillée et se serait retrouvée dans des décharges. Grâce aux cuisines ultramodernes de l’UHC, les produits bruts donnés ont pu être transformés en repas économiques qui, grâce au vaste réseau de distribution de Feed Ontario, ont pu être acheminés vers ceux qui en ont le plus besoin. Ce projet vise à donner accès à la nourriture et à aider les agriculteurs à éviter le gaspillage alimentaire.
 
Le rôle de Banques alimentaires Canada était de superviser l’évaluation et d’explorer la possibilité d’étendre le projet à d’autres régions.
 
Les relations existantes avec les agriculteurs, les entreprises et les producteurs alimentaires locaux ont été cruciales pour assurer le bon déroulement du programme.
« Nous avons travaillé avec des agriculteurs et des entreprises de la région qui ont été particulièrement heureux de donner leurs produits excédentaires. Les produits bruts provenaient principalement de trois sources différentes : les agriculteurs, les fournisseurs et entreprises ainsi que les organisations locales de glanage, explique Carolyn Stewart-Stockwell, directrice générale de Feed Ontario, la collaboration avec tous les différents partenaires a été la clé du succès de ce programme. Nous avons eu de la chance de les avoir avec nous. »
 
Tout se déroulait mieux que prévu.
« Au cours de la première année, nous avons été en mesure de préparer et de distribuer plus de 4 370 000 repas », déclare June Muir, chef de direction à l’UHC Hub of opportunities, précédemment connue sous Unemployed Help Center of Windsor Inc.
 
La pandémie a toutefois eu des effets dévastateurs sur le programme.
La demande alimentaire croissante dans l’ensemble de la province et les confinements qui se sont répandus partout au pays se sont traduits par une perte de bénévoles pour les banques alimentaires. Le personnel devait ainsi travailler de longues heures pour assurer la préparation et la livraison des repas à temps. « Windsor a été l’une des villes les plus durement touchées de la province par la COVID, et un grand nombre de personnes ont perdu leur emploi. De longues files d’attente se sont mises à se former à nos portes. Nous devions aussi nous assurer de distribuer les repas à nos clients », poursuit June.
 
L’infrastructure était également problématique.
« En raison de la COVID et de l’augmentation de la demande, une bonne partie des camions réfrigérés que nous avions étaient utilisés pour desservir d’autres communautés. Nous sommes tout de même parvenus à nos fins, mais avec beaucoup de difficultés », affirme June.
 
La pandémie a aussi contribué à la réduction de la production alimentaire locale.
« Certains serriculteurs ont connu des éclosions de COVID et ont dû fermer leurs portes. En raison des restrictions sur les voyages, les travailleurs migrants ont été insuffisants. C’était vraiment épouvantable », renchérit June.
 
La communauté s’est toutefois montrée sous son vrai jour : tous se sont unis pour s’entraider.
« Une fois l’état d’urgence déclarée, le maire a travaillé avec nous et a redéployé les travailleurs de Windsor pour nous aider à créer des paniers lorsque nous avons reçu des denrées de Feed Ontario et de Banques alimentaires Canada. C’était bien de voir la communauté se rassembler », raconte June.
 
Surtout le personnel.
« En raison des confinements, un grand nombre de bénévoles et de membres du personnel n’ont pas été en mesure de venir nous aider. Mais tout le monde a travaillé vraiment fort. Grâce à leur dévouement, nous avons pu livrer la soupe que nous avions préparée. Plus de 1 million de soupes-repas de 7 oz ont été préparées et congelées. Nous n’aurions pas pu y arriver sans leur soutien », déclare Mike Turnbull, directeur du programme de récupération alimentaire à l’UHC, qui a été au cœur de toute cette activité à Windsor.
 
Le programme a amené son lot de difficultés, mais a représenté une expérience enrichissante.
L’UHC Hub of opportunities à Windsor possède une cuisine à la fine pointe de la technologie où la communauté peut se réunir pour apprendre, socialiser et aider un voisin dans le besoin, et le programme Farm to Food y a contribué davantage. « Nos enfants ont eu tellement de plaisir à exprimer leur créativité et à mélanger les divers légumes et herbes pour créer une variété de soupes que nos clients ont adorées », poursuit Mike.
 
En cours de route, de nombreuses leçons ont été apprises. Par exemple, il est important d’avoir l’équipement approprié en place.
« Nous avons beaucoup appris et nous voulons partager notre expérience pour en faire bénéficier ceux qui voudraient recréer ce programme. Nous avons notamment appris qu’il est important de nous assurer de disposer de l’équipement approprié. Nous pourrions utiliser plus de camions réfrigérés. Comme la demande a augmenté pendant la pandémie de COVID, le camion réfrigéré que nous avions était utilisé. Il aurait été utile d’en avoir un autre », rajoute Mike.
 
Il est également important d’avoir les gens qu’il faut au bon endroit.
Mike explique le processus de préparation de la soupe. « Quand les produits arrivent dans la cuisine, ils sont triés, lavés et préparés. On les met ensuite dans de grandes marmites de plus de 300 litres pour y faire la soupe. En cours de processus, nous devons nous assurer que toutes les étapes respectent les directives de manipulation en matière de salubrité alimentaire. Les chefs « Sceau rouge » sont essentiels pour assurer le respect de toutes les règles de salubrité alimentaire. »
 
Les boîtes aussi coûtent cher.
« Nous n’avions pas prévu le coût des boîtes, mais elles sont assez coûteuses! Heureusement, il y a eu beaucoup de dons, mais malheureusement les boîtes ont fini par manquer. Nous avons donc réutilisé les boîtes dans lesquelles les fruits et légumes arrivaient. Nous avons également appris qu’il valait mieux s’en tenir à de petites quantités. Nous avons commencé par un sac de quatre litres, mais la distribution ne fonctionnait pas bien. Selon les commentaires reçus, le sac de quatre litres était trop gros; nous avons donc opté pour des sacs d’un litre et demi. Les familles pouvaient ainsi choisir le nombre de sacs qu’elles désiraient. C’était beaucoup plus pratique. »
 
La collaboration a été la clé du succès de ce programme ainsi que l’apprentissage le plus déterminant de l’expérience. Une fois la soupe préparée, elle a été distribuée dans toute la province. Rien de tout cela n’aurait toutefois été possible sans Feed Ontario.
« Feed Ontario a été en mesure d’acheminer la nourriture à 45 municipalités de l’Ontario, y compris Thunder Bay. La ville de Windsor a pu redéployer les travailleurs qui distribuaient la soupe au service au volant du carrefour alimentaire. Nous sommes vraiment chanceux d’avoir pu collaborer et aider ceux qui en avaient le plus besoin », déclare June.
 
Les résultats en font foi. En collaboration avec d’autres partenaires, les banques alimentaires ont pu récupérer plus de 109 400 livres de fruits et légumes frais excédentaires et distribuer plus de 1 million de repas dans tout l’Ontario!
 
Le programme a également eu une incidence réelle sur l’environnement, les agriculteurs et les entreprises agricoles ainsi que sur la population ontarienne qui vit dans l’insécurité alimentaire.
 
Dans l’optique d’étendre le programme ou de le reproduire à l’échelle nationale, et grâce au soutien de la Fondation Trillium de l’Ontario, Banques alimentaires Canada a commandé une évaluation externe indépendante du programme.
 
L’évaluation, effectuée par Cathexis Consulting inc., a permis de constater qu’à mi-chemin (12 mois) de cette seule initiative, on avait évité l’émission de 41 000 kg de gaz à effet de serre. Cette quantité correspond aux émissions produites par la conduite d’une voiture type sur 162 500 km. En plus de contribuer à la réduction des émissions de dioxyde de carbone, le programme a aussi permis d’éviter le gaspillage de 32,4 millions de litres d’eau, ce qui équivaut à la consommation moyenne annuelle de 400 Canadiens. Les résultats de l’évaluation complète sur deux ans seront prêts à l’automne 2021.
 
L’évaluation a également permis de recueillir des commentaires sur la mise en œuvre du programme, dont les répercussions ont été bien plus qu’environnementales. Les commentaires sur les soupes ont été très majoritairement positifs. Les clients ont aimé la variété des repas, mais surtout à quel point ces repas étaient sains et délicieux. Il a été également noté que les repas étaient culturellement appropriés.
 
Les agriculteurs et les entreprises agricoles en ont également profité. Ils ont épargné, tout en ayant une incidence favorable sur l’environnement et la communauté, en plus d’aider les personnes dans le besoin. Tout le monde y a gagné.
 
Enfin, après un an de vie du programme, l’évaluation a conclu que les possibilités d’étendre ce programme aux autres régions et provinces étaient immenses, car même s’il a été possible de récupérer plus de 241 300 livres de fruits et légumes frais excédentaires, une énorme quantité de fruits et légumes frais se perdent toujours. Nous espérons que d’autres provinces et régions pourront collaborer, car c’est la collaboration qui a été la clé du succès de ce programme.
 
Pour les banques alimentaires de l’ensemble du Canada, il est important de veiller à ce que les personnes dans le besoin aient accès à une quantité abondante de denrées fraîches et c’est heureusement possible grâce à des initiatives comme celles-ci.