Introduction à Fiches de Rendement sur la pauvreté

Introduction : Un portrait changeant de la pauvreté

La pauvreté au Canada est dans une période de transition. Les dernières données nous indiquent que la pauvreté est en hausse et qu’elle augmente rapidement. Cela correspond à ce que nous avons observé en première ligne dans les banques alimentaires, où la demande a augmenté de 30 % au cours de la dernière année seulement. Toutefois, dans la première moitié de la dernière décennie, soit entre 2015 et 2020, le Canada a connu les baisses de pauvreté les plus importantes jamais enregistrées. En 2015, un Canadien sur six (14,5 %) vivait sous le seuil de pauvreté. Cinq ans plus tard, ce chiffre est tombé à 6,4 %, soit moins de la moitié de l’ancien taux et une baisse d’environ 66 %.

Cette baisse substantielle et encourageante de la pauvreté est attribuable à trois facteurs importants :

  1. Des politiques publiques bien ciblées comme l’Allocation canadienne pour enfants, qui ont contribué à améliorer la sécurité du revenu et le revenu après impôt des familles, en particulier celles qui se situent au bas de la répartition du revenu.
  1. Un marché du travail de plus en plus inclusif de 2015 à 2019, qui a permis de dépasser le plein emploi et d’attirer des personnes vulnérables et à faible revenu qui étaient traditionnellement sous-représentées dans un travail rémunéré, comme les mères, les personnes en situation de handicap, les Autochtones, les nouveaux immigrants et les adultes vivant seuls.
  1. Une réponse à la crise de la COVID-19 par des mesures comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui offrait une forme de revenu de base pendant une courte période.

Ce rapport vise à brosser un tableau clair de la façon dont l’histoire a commencé à changer depuis 2020. Il demeure pourtant difficile de comprendre toute l’ampleur de ce changement dans les tendances en matière de pauvreté en raison de données limitées. Étant donné les retards dans la disponibilité des données, les décideurs politiques et les chercheurs s’appuient souvent sur des ensembles de données désuets depuis plusieurs années, en particulier des ensembles de données comme le recensement, qui permettent une analyse plus riche et plus détaillée de la situation des ménages. Il s’agit d’un problème distinct qui doit être corrigé à l’avenir.

Bien que nous ne disposions pas de données à grande échelle pour l’ensemble du Canada sur lesquelles fonder notre analyse pour déterminer comment les choses se passent aujourd’hui, certaines données nous montrent que nous entrons peut-être dans une période de hausse des taux de pauvreté, ce qui a pour effet de miner les progrès réalisés pour chacun des facteurs énumérés ci-dessus.

En 2022, à peine deux ans après que le taux de pauvreté du pays a connu une baisse historique de 6,4 %, les taux ont de nouveau augmenté de 55 % pour atteindre près de 10 % de la population canadienne, ce qui a réduit de moitié les progrès réalisés depuis 2015. Pendant ce temps, les taux d’insécurité alimentaire – un autre excellent indicateur de la lutte économique – ont augmenté de plus de 7 points de pourcentage depuis 2020, de sorte que près du quart (23 %) de tous les Canadiens vivent de l’insécurité alimentaire. Parmi les raisons de ces hausses alarmantes :

  • Une croissance démographique importante et rapide sans l’infrastructure sociale prête à absorber un tel afflux. Bien que cette croissance ait propulsé la production économique globale et puisse être bénéfique économiquement en raison de l’augmentation du PIB potentiel à long terme, elle a accru à court terme la pression dans des domaines comme le logement et les systèmes alimentaires. À cela se sont ajoutées d’autres pressions inflationnistes sous-jacentes, qui touchent déjà la plupart des économies mondiales après la COVID-19.
  • Des hausses rapides des taux d’intérêt et le resserrement des conditions financières pour s’attaquer aux taux d’inflation élevés depuis des décennies. Bien que ces remontées des taux d’intérêt soient jugées nécessaires pour aider à freiner l’inflation globale – qui profite théoriquement aux familles à faible revenu à long terme en raison de la stabilité renouvelée des prix –, le coût élevé des emprunts a de nombreux effets négatifs à court terme sur les personnes à faible revenu. Ces hausses font augmenter le coût des emprunts, ce qui entraîne des dettes plus élevées, en particulier pour les groupes vulnérables qui sont incapables d’économiser. De plus, elles réduisent la capacité des entreprises et des gouvernements à investir dans des domaines comme l’offre de logement, ce qui est nécessaire pour réduire la pression sur le prix des loyers.
  • Le manque de logements disponibles, en particulier de logements abordables pour répondre aux besoins actuels, a exacerbé les pressions récentes sur les prix, tant pour les propriétaires que pour les locataires. Cette situation pourrait compromettre certains des progrès importants réalisés depuis 2018 en ce qui concerne la réduction de la proportion de ménages qui éprouvent des besoins impérieux de logement.
  • La perte de mesures de soutien du revenu comme la PCU et d’autres mesures ponctuelles d’abordabilité mises en place par les gouvernements fédéral et provinciaux pour aider à atténuer à court terme les effets de la pandémie et de la crise inflationniste subséquente a entraîné une diminution globale du revenu disponible pour les familles à faible revenu. Si certains gouvernements ont depuis réagi en indexant divers programmes de soutien du revenu, c’est trop peu trop tard pour éviter une baisse du niveau de vie.
  • Un ralentissement de l’activité économique et une hausse (lente) du taux de chômage ont réduit la pression d’offrir des salaires plus élevés et de continuer à faire progresser l’inclusion au sein du marché du travail.

En raison de ces facteurs et d’autres, nous devons nous attendre à ce que les taux de pauvreté continuent de croître à mesure que de nouvelles données seront disponibles. Cela signifie une hausse du nombre d’aînés en difficulté, du nombre d’enfants en situation d’insécurité alimentaire et du nombre de personnes, partout au Canada, qui s’inquiètent de leur capacité à joindre les deux bouts. À la lumière de cette nouvelle donne, les décideurs politiques doivent reconnaître l’urgence de déployer davantage d’efforts pour s’attaquer au problème, et de renouveler leur engagement à poursuivre les progrès réalisés à ce jour dans la réduction de la pauvreté.

Cette tâche ne peut être accomplie par un seul organisme gouvernemental. Pour ce faire, les gouvernements locaux, provinciaux, territoriaux et fédéral devront travailler ensemble pour s’attaquer de front à la pauvreté. L’urgence et l’ampleur du défi exigent de travailler de façon unie et en partenariat, plutôt que de politiser la question ou de blâme qui que ce soit. Bien que l’ensemble des provinces et des territoires soient touchés par la pauvreté, chaque région fait face à des défis particuliers qui nécessitent des solutions différentes et nuancées.

Ce rapport examine l’état et les conditions de la pauvreté à l’échelle du pays, et présente une analyse des efforts de réduction de la pauvreté dans chaque administration. Le rapport contient non seulement une analyse de la situation de la pauvreté dans chaque province et territoire – ainsi qu’une analyse fédérale de haut niveau –, mais il contient également des fiches de rendement élaborées à partir de sources de données diversifiées et fiables.

En somme, ce rapport est conçu pour être accessible à tous et éclairer le public sur la précarité de la vie en situation de pauvreté, de même que sur les divers programmes et initiatives de réduction de la pauvreté mis de l’avant par nos gouvernements.

Les fiches de rendement et les analyses connexes aideront les décideurs de tous les ordres de gouvernement à évaluer leur rendement dans la lutte contre la pauvreté et à déterminer comment ils peuvent faire mieux en cernant les forces, les faiblesses et les possibilités de progrès futurs.

Nous espérons que ces fiches de rendement serviront de signal aux Canadiens et aux gouvernements, car elles nous permettront d’évaluer et de comparer le rendement de tous les gouvernements dans leurs efforts pour éliminer la pauvreté partout au Canada.

Le rapport vise également à accroître la compréhension du public quant à l’ampleur (ou l’insuffisance) de l’aide fournie par les gouvernements provinciaux et fédéral aux personnes et familles à faible revenu et en situation de pauvreté au sein de leur communauté. Élaboré en tenant compte de plusieurs publics, il vise à favoriser une plus grande transparence, une plus grande responsabilisation et des efforts accrus de réduction de la pauvreté.

En mettant en lumière le contexte de la pauvreté dans toutes les provinces et tous les territoires du pays, ce rapport vise à stimuler le dialogue et la coopération et, au-delà de tout, à engendrer des approches novatrices pour résoudre les problèmes les plus importants.

Banques alimentaires Canada espère que les gens utiliseront ce qu’ils ont appris pour prendre part à des discussions éclairées, qu’ils feront la promotion de politiques qui peuvent faire une différence tangible au Canada et qu’ils nous aideront à bâtir un pays où personne ne souffre de la faim.


Notre Approche

Raison d’être

Le présent rapport vise à offrir une compréhension globale de la complexité de la situation de la pauvreté au Canada. Historiquement, la pauvreté a été réduite à une seule statistique, soit un taux de pauvreté fondé sur la mesure du panier de consommation (MPC). Puisque la pauvreté est multiforme, nous croyons que ce seul outil de mesure ne suffit pas à rendre compte adéquatement de la situation. Un bon exemple réside dans le fait que les taux d’insécurité alimentaire sont beaucoup plus élevés que les taux de pauvreté, ce qui indique que les personnes qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté peuvent tout de même souffrir d’insécurité alimentaire.

Structure du rapport

Le rapport comporte trois parties principales :

1.   Une analyse de chaque province, de chaque territoire et du gouvernement fédéral :

Ces sections donnent un aperçu des principaux problèmes liés à la pauvreté dans chaque administration et expliquent pourquoi certains de ces problèmes persistent. Dans ces sections, le rapport analyse les tendances récentes des statistiques sur la pauvreté et aborde les sujets connexes comme la main-d’œuvre et le coût de la vie. Les analyses comprennent également l’examen des politiques et des mesures politiques récentes qui ont influencé le paysage de la pauvreté dans la région, ainsi qu’une section finale consacrée aux recommandations politiques. Ces recommandations sont faites en fonction du gouvernement ou de l’administration en place dans chaque territoire de compétence. Par conséquent, les recommandations sont réalistes sur le plan politique et peuvent être mises en œuvre avant la diffusion de la prochaine fiche de rendement.

2.   Une fiche de rendement pour chaque administration

Ces fiches de rendement sont divisées en quatre sections pour brosser un portrait complet de la situation de la pauvreté.

  1. L’expérience de la pauvreté

Basée sur un sondage national conçu et payé par Banques alimentaires Canada, cette section comprend cinq indicateurs qui décrivent la situation financière des gens en 2024. Elle aborde la question du stress financier, la part de revenu que les gens doivent consacrer aux coûts fixes et la perception de soins de santé et d’aide sociale adéquats.

  1. Mesures de la pauvreté

Cette section utilise des mesures existantes et bien établies sur la pauvreté pour aider à équilibrer la section sur l’expérience de la pauvreté, qui est plus subjective. Elle aborde les questions du taux de pauvreté et de l’insécurité alimentaire, du chômage et d’un niveau d’aide sociale adéquat.

Les taux de chômage sont tirés des données de mars 2024 pour couvrir la même période que le sondage utilisé pour les sections sur l’expérience de la pauvreté et la privation matérielle. Les taux d’insécurité alimentaire et de pauvreté sont tirés de l’Enquête canadienne sur le revenu publiée en avril 2024 et reflètent les données de 2022. Les données sur l’aide sociale sont fondées sur le rapport Welfare in Canada (l’aide sociale au Canada) de Maytree. Ce rapport n’est publié qu’à l’été et n’a donc pas encore mis à jour pour 2024.

  1. Privation matérielle

Également fondée sur le sondage national conçu et payé par Banques alimentaires Canada, cette section vise à combler une lacune laissée par d’autres mesures comme celles concernant la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Comme nous l’avons déjà mentionné, les indicateurs de pauvreté et d’insécurité alimentaire ne peuvent pas à eux seuls brosser un portrait complet des difficultés que vivent les Canadiens au quotidien. Cette section utilise un indice officiel de privation matérielle pour déterminer la qualité et le niveau de vie des Canadiens.

  1. Progrès législatifs

Bien que la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la privation matérielle soient le résultat d’omissions passées dans les mesures politiques, il est important de reconnaître les efforts qui sont aujourd’hui déployés pour améliorer ces facteurs. Cette section passe en revue les mesures législatives prises par le gouvernement depuis le dernier rapport pour déterminer si les politiques mises en place s’attaquent suffisamment au problème de la pauvreté et font progresser les régions qu’elles visent.

Pour obtenir tous les détails sur la méthodologie utilisée pour déterminer les notes dans la fiche de rendement, vous pouvez consulter la section sur la méthodologie dans la table des matières.

3.   Analyse exhaustive de la pauvreté et des inégalités au Canada

La pauvreté n’est pas ressentie de façon égale dans tous les groupes démographiques du pays; cette section constitue donc le dernier élément du portrait de la pauvreté. Une grande partie des données sur la pauvreté présentées dans cette section reposent sur le recensement du Canada de 2021, car elles nous permettent de voir les tendances détaillées pour un certain nombre de groupes vulnérables.

Au total, nos fiches de rendement comportent 13 indicateurs, chacun pondéré différemment afin d’obtenir une note globale pour le territoire de compétence. Ces notes sont déterminées à l’aide d’une base de référence élaborée par Banques alimentaires Canada en 2023 en fonction des moyennes provinciales de ces indicateurs (voir la méthodologie). Grâce à cette approche structurée, notre rapport vise à fournir aux décideurs politiques, aux intervenants et au public des renseignements précieux sur l’état de la pauvreté au Canada, ce qui facilitera la prise de décisions éclairées et les interventions ciblées pour régler ce problème crucial.


Notre engagement à l’égard de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI)

À Banques alimentaires Canada, nous adhérons profondément aux principes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) dans tout ce que nous faisons. Dans le cadre de nos efforts soutenus pour créer des environnements inclusifs, notre équipe a utilisé un cadre d’EDI pour nous guider tout au long de l’élaboration du présent rapport.

Nous avons reconnu l’importance d’intégrer diverses perspectives dès les premières étapes de la conceptualisation, pour faire en sorte que notre travail tienne compte d’un large éventail de points de vue et les reflète.

Avant que le rapport ne soit présenté pour la première fois en 2023, nous avons mené des consultations préliminaires avec des experts – tant des professionnels que des personnes ayant une expérience vécue – de partout au pays, sollicitant activement la participation de personnes de divers horizons et ayant diverses expériences vécues. Ces consultations ont permis à notre équipe d’orienter une grande partie du processus et de la conception du rapport, y compris la collecte de données et l’élaboration de politiques. En 2024, nous continuons de faire évoluer ce rapport en l’adaptant et en révisant en profondeur notre site Web, la forme et le contenu que nous utilisons.

Toutes les analyses sur la situation de la pauvreté présentées dans ce rapport comprennent une analyse croisée des caractéristiques démographiques intersectionnelles. Dans le cadre de notre propre sondage, qui fait partie du présent rapport, nous détaillons nos constatations pour déterminer comment les personnes racisées au Canada vivent la pauvreté et tentent différemment d’y faire face par rapport au reste de la population. En 2024, nous avons également inclus des entrevues téléphoniques dans les territoires afin de mieux saisir ce que vivent différemment les communautés isolées à faible revenu. Dans les cas où notre sondage ne pouvait pas fournir de données sur l’expérience des communautés marginalisées, nous avons cherché des ressources externes pour combler les lacunes et fournir une analyse efficace des inégalités pour les 14 ordres de gouvernement.

Le rapport final a été soumis à une analyse de l’EDI par un tiers afin d’assurer une représentation et une inclusivité maximales.

À mesure que nous progressons, Banques alimentaires Canada demeure déterminé à tirer des leçons et à améliorer son approche pour mieux inclure et représenter tous les membres de notre communauté diversifiée. Nous continuerons de chercher de nouvelles et meilleures façons d’adopter les principes d’EDI dans nos rapports et dans tout le travail que nous accomplissons. Notre vision est celle d’un Canada où personne ne souffre de la faim. Cette vision se veut inclusive pour toutes les personnes à l’intérieur de nos frontières, sans tenir compte de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur langue, de leur citoyenneté, de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur expression de genre, de leur source de revenus, de leur âge ou de toute incapacité mentale ou physique.

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