Les banques alimentaires comme bouée de sauvetage : la nouvelle normalité au Canada. Pour plus d’informations, lisez notre Bilan-Faim 2025.

 

L’insécurité alimentaire mine un Canada fort.

Le Canada est à la croisée des chemins. D’importants changements politiques sont survenus au cours de la dernière année, y compris un nouveau mandat libéral fédéral sous la direction du premier ministre Mark Carney. Bien que les premières mesures prises par le premier ministre laissent supposer un changement des priorités fédérales – en raison de l’accent mis sur la croissance économique durable, l’abordabilité, les projets de construction du pays et la modernisation du secteur public – l’engagement à réduire la pauvreté et à freiner le recours aux banques alimentaires demeure incertain.

Ce changement national se déroule dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et de menaces pour le système commercial mondial, et cela dans un monde de plus en plus divisé. En raison de la combinaison de la transition nationale, de l’incertitude politique et de l’instabilité mondiale, il est plus difficile d’évaluer si la volonté politique de lutter contre la pauvreté gagne ou perd du terrain.

Principales mesures fédérales relatives à la pauvreté en 2024-2025

En 2024-2025, le gouvernement fédéral a pris plusieurs mesures qui se rapportent aux conditions sous-jacentes menant à la pauvreté au Canada. Bien qu’elles ne représentent pas nécessairement une stratégie complète de réduction de la pauvreté, elles façonnent l’environnement politique de façon importante. Voici quelques-unes des principales nouveautés :

Finaliser la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCPH)

Après des années d’élaboration, le gouvernement fédéral a finalisé la conception de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées avant sa mise en œuvre prévue, en juillet 2025. Bien que son impact définitif reste à voir, la PCPH représente une mesure de soutien du revenu attendue depuis longtemps pour les personnes handicapées, qui constituent un des groupes les plus à risque de vivre une pauvreté persistante. Toutefois, le montant actuel demeure insuffisant pour de nombreuses personnes handicapées.

Mettre en place le Régime canadien de soins dentaires (RCSD)

Le Régime canadien de soins dentaires a été lancé en 2023, et sa mise en place tout au long de 2024 comprenait les soins aux aînés de plus de 65 ans, aux enfants de moins de 18 ans et aux personnes admissibles à un crédit d’impôt pour personnes handicapées [1]. Tous les autres adultes admissibles ont accès au programme depuis mai 2025. Des données récentes montrent que la première phase de sa mise en place pourrait avoir contribué au renforcement majeur de la capacité des aînés à pouvoir se payer des soins dentaires réguliers [2].

Lancement d’un programme national d’alimentation dans les écoles

Le gouvernement a commencé à mettre en œuvre un programme national d’alimentation scolaire, un autre engagement de longue date du gouvernement précédent. Bien que le programme ne s’attaque pas directement aux causes structurelles de l’insécurité alimentaire, il offre un allègement modéré de l’abordabilité aux familles à faible revenu et favorise de meilleurs résultats scolaires chez les enfants habitant au sein de ménages souffrant d’insécurité alimentaire.

Mettre à jour la Stratégie nationale sur le logement

Le gouvernement fédéral a révisé son plan de logement pour y inclure des milliards en nouveaux financements pour des logements abordables et à loyer économique. Bien que les besoins demeurent énormes – des millions de logements sont requis – il s’agit d’un investissement clé dans les efforts visant à combler l’écart de l’offre de logements et à atténuer les pressions locatives.

Il importe de souligner que ces mesures ont été prises sous deux gouvernements différents, bien que toutes deux aient été dirigées par le même parti politique. Le mandat et l’orientation du nouveau gouvernement Carney ont permis de mettre en évidence les principaux domaines d’action ciblés, notamment la réintégration du gouvernement fédéral dans les activités de construction de logements, l’accélération de la construction de logements abordables, l’amélioration du régime d’assurance-emploi et l’investissement dans le Nord. Bien que ces engagements puissent contribuer à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de l’abordabilité, s’ils sont entièrement respectés, des réformes plus directes et structurelles sont nécessaires pour faire diminuer les taux de pauvreté de façon significative.

Catalyser le changement

Nous pouvons créer un Canada où personne ne souffre de la faim. Le gouvernement peut atténuer l’insécurité alimentaire de 50 % d’ici 2030 en menant une action collective et en apportant des changements de politiques.

Pour mettre fin à l’insécurité alimentaire et renverser les tendances alarmantes observées par les banques alimentaires à l’échelle du Canada, Banques alimentaires Canada demande l’application de mesures urgentes dans trois domaines clés :

Les gens passent entre les mailles du filet. Le filet de sécurité sociale du Canada, autrefois solide et enviable, est devenu désuet et inefficace dans le contexte de la situation économique actuelle. De plus en plus de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et sont prises au piège de la pauvreté. Les données montrent que les personnes qui ont un emploi ont recours aux banques alimentaires à un rythme effarant, ce qui est alarmant. Le gouvernement doit s’attaquer de front à la pauvreté systémique pour réduire le recours croissant aux banques alimentaires, en améliorant le régime d’assurance-emploi du Canada et en « réparant » le filet de sécurité sociale.

Améliorer l’assurance-emploi
Pour tenir compte de la hausse de l’insécurité alimentaire chez les travailleurs, qui constituent actuellement le groupe d’utilisateurs de banques alimentaires qui connaît la croissance la plus rapide, le gouvernement fédéral doit offrir un soutien direct aux travailleurs à faible revenu et ayant un emploi précaire.
Pour soutenir efficacement ce groupe démographique de plus en plus présent dans les banques alimentaires, le gouvernement fédéral doit moderniser le régime d’assurance-emploi afin qu’il tienne compte des réalités actuelles du marché du travail. Les réformes devraient comprendre les mesures suivantes :
  • Élargir l’accès à l’assurance-emploi des travailleurs précaires, des travailleurs à la demande et des travailleurs autonomes, et réduire le nombre d’heures admissibles.
  • Améliorer le programme de travail pendant une période de prestations et prolonger la durée des prestations jusqu’à 52 semaines.
  • Créer un volet permanent de soutien du revenu pour les travailleurs âgés déplacés (âgés de 45 à 65 ans) touchés par des perturbations liées à l’industrie ou au commerce.
Ces mesures stratégiques fondées sur des données probantes offriraient une protection plus équitable et plus complète aux personnes qui ont de la difficulté à se maintenir à flot pendant qu’elles travaillent.
Réparer le filet de sécurité sociale
La « réparation » du filet de sécurité sociale du Canada exige un engagement renouvelé à veiller à ce que personne ne se trouve sous un seuil de revenu minimum. Un solide filet de sécurité doit garantir un niveau de vie de base et offrir un soutien fiable pour protéger les gens de la pauvreté, tout en s’attaquant aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie auxquels de nombreuses personnes sont confrontées. Le gouvernement fédéral a pris des mesures prometteuses, comme le lancement de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (PCPH) et du Régime canadien de soins dentaires, mais la portée de ces initiatives demeure trop limitée pour contrer l’ampleur croissante de la pauvreté. La cote D du gouvernement du Canada dans la Fiche de rendement sur la pauvreté 2025 [3] reflète ce décalage.
Le gouvernement fédéral doit agir dès maintenant pour prévenir d’autres difficultés, en prenant d’abord l’engagement ferme de renforcer la PCPH. Il doit :
  • augmenter le montant des prestations pour sortir les personnes handicapées de la pauvreté, comme prévu;
  • améliorer l’admissibilité et l’accessibilité du programme afin qu’un plus grand nombre de personnes puissent présenter une demande et en bénéficier.
Sans mesures audacieuses et immédiates pour renforcer le filet de sécurité sociale, la pauvreté et l’insécurité alimentaire continueront d’augmenter, ce qui minera la santé et la stabilité à long terme des collectivités de toutes les régions du pays.

Pour beaucoup de gens, la vie est devenue de plus en plus chère. Le coût du loyer a grimpé en flèche et a commencé à compromettre la capacité des gens de se procurer de la nourriture. Il faut agir pour réduire les coûts de logement et permettre aux gens d’acheter des aliments nutritifs. Le gouvernement du Canada doit agir rapidement pour construire des maisons abordables et mettre en place une allocation pour l’épicerie et les besoins de base.

Construire des maisons abordables
L’abordabilité du logement demeure une des solutions les plus urgentes et les plus citées pour lutter contre la faim et la pauvreté au Canada. En 2025, 83 % des banques alimentaires ont indiqué que le besoin d’offrir un plus grand nombre de logements abordables était l’intervention stratégique la plus importante, comparativement à 61 % en 2019. Cette urgence est soulignée par la hausse spectaculaire des coûts du logement pour les ménages à faible revenu, qui consacrent désormais en moyenne 66 % de leur revenu disponible au logement. Les locataires d’un logement économique, et surtout les personnes racisées et les nouveaux arrivants qui habitent dans les grands centres urbains, sont particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire.
Pour améliorer l’abordabilité du logement, le gouvernement fédéral doit agir rapidement et de façon décisive, tant en ce qui concerne l’offre que la demande. Le gouvernement doit :
  • accélérer la mise en œuvre des activités de Maisons Canada pour livrer chaque année des dizaines de milliers de logements abordables et hors marché, en mettant à profit des terrains publics et en travaillant en partenariat avec des organismes qui reconnaissent la valeur de la construction de tels logements;
  • finaliser un accord national sur le logement avec les provinces et les municipalités afin d’harmoniser le financement, de réduire les droits d’aménagement et de rationaliser les réformes de zonage;
  • instaurer un programme national d’aide au logement s’inspirant du Programme d’allocation pour le loyer du Manitoba, couronné de succès, afin d’alléger immédiatement la pression exercée sur les locataires à faible revenu.
La combinaison d’immeubles publics de grande envergure et d’un soutien ciblé aux locataires est la voie la plus claire à emprunter pour réparer le système de logement défaillant du Canada.
Favoriser l’abordabilité des aliments
L’augmentation du coût des aliments se fait sentir de façon plus intense et plus fréquente, littéralement semaine après semaine, à l’épicerie. La nourriture est maintenant la principale raison invoquée par les clients des banques alimentaires pour demander de l’aide, ce qui reflète les préoccupations du grand public quant à l’incidence des prix des aliments sur les finances des ménages. La hausse spectaculaire de 25 % des prix des aliments sur quatre ans n’a pas été égalée par la croissance des salaires ou les rajustements apportés à l’aide sociale, ce qui fait en sorte que de nombreux Canadiens sont de plus en plus incapables de se payer même des produits de première nécessité.
Pour mettre en place un allègement immédiat, le gouvernement fédéral doit :
  • instaurer une allocation pour l’épicerie et les besoins de base destinée aux Canadiens à faible revenu;
  • modéliser l’allocation sur le régime éprouvé de crédit d’impôt pour la TPS, comme le recommande le Conseil d’action sur l’abordabilité.
  • augmenter les suppléments de crédit pour l’ACT ou la TPS pendant les périodes de choc des prix des aliments.
L’application de ces mesures permettrait d’offrir une aide directe et rapide aux ménages touchés de façon disproportionnée par l’inflation alimentaire, tout en renforçant la confiance du public dans la capacité du gouvernement à réagir à une crise d’abordabilité qui s’aggrave.
L’insécurité alimentaire dans le Nord canadien est à la fois plus grave et plus complexe que dans les provinces, en raison de la combinaison des taux de pauvreté extrême, des prix inabordables des aliments et des obstacles systémiques à l’accès. Plus de 22 % des habitants des territoires vivent sous le seuil de pauvreté, ce qui est plus que le double du pourcentage correspondant à la moyenne nationale, et 37,5 % habitent au sein de ménages en situation d’insécurité alimentaire. La crise est la plus aiguë au Nunavut, où près de 60 % des résidents vivent de l’insécurité alimentaire [4]. En plus des prix élevés, les résidents doivent composer avec des aliments de mauvaise qualité, des choix restreints, une disponibilité limitée et des menaces causées par les changements climatiques pour les sources alimentaires traditionnelles; tous ces éléments contribuent à créer une crise plus profonde et plus enracinée.
Pour réduire de façon significative l’insécurité alimentaire dans le Nord, les politiques doivent devenir des solutions systémiques à long terme ancrées dans l’équité et les partenariats avec les Autochtones.
  • Nutrition Nord Canada doit être remanié, en collaboration avec les collectivités nordiques et autochtones, pour qu’on s’assure que l’allègement du coût des aliments est à la fois ciblé et responsable à l’échelle locale.
  • La déduction pour les résidents du Nord devrait être transformée en prestation remboursable progressive offrant un meilleur soutien aux ménages à revenu faible ou modeste, plutôt que de profiter de façon disproportionnée aux personnes à revenu élevé.
Bien que les subventions alimentaires et les allègements fiscaux puissent aider, ils ne représentent qu’une partie de la solution. La lutte contre l’insécurité alimentaire dans le Nord nécessite une stratégie fédérale coordonnée qui s’attaque de front à l’abordabilité, aux lacunes d’infrastructure, à la résilience climatique et à la souveraineté alimentaire des Autochtones.

Faites partie de la solution contre l’insécurité alimentaire.

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[1]  Santé Canada. (Le 11 décembre 2023). Le Régime canadien de soins dentaires

[2] Matern, R., Notten, G., & Seer, S. (2025, July 31). Don’t miss the good news on poverty reduction in 2025. Policy Options. 

[3] Banques alimentaires Canada (2025). La fiche de rendement sur la pauvreté.

[4] Statistique Canada. Enquête canadienne sur le revenu, 2023, 2023