Coup de projecteur – Norman Dunn, SOS Dépannage/Moisson Granby

Nous souhaitons toujours en apprendre plus sur les personnes qui travaillent dans les banques alimentaires du Canada. Ce mois-ci, nous braquons les projecteurs sur Norman Dunn de l’organisme SOS Dépannage/Moisson Granby au Québec.

Quel est votre rôle dans le réseau des banques alimentaires?
Je suis directeur fondateur de l’organisme SOS Dépannage/Moisson Granby qui a été fondé en 1987 comme mesure temporaire durant la crise économique. Malheureusement, aujourd’hui encore, il y a des gens qui ont faim, et cela n’a pas de sens pour un pays comme le Canada. 

Mon rôle n’est pas seulement de donner de la nourriture. Une personne qui se présente avec un œil au beurre noir a besoin de plus. On doit être capable d’être à l’écoute et de diriger les gens vers d’autres ressources. Il faut leur donner de l’espoir. L’aide alimentaire, c’est ça, et bien plus. 

Décrivez votre journée de travail typique en un mot.
Intégrité (et respect). Tous les jours, on prend des décisions qui ont des effets sur les humains. J’ai l’obligation de ne pas être fatigué et d’être respectueux. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans les banques alimentaires?
Aider mon prochain a toujours été très important pour moi. Tout jeune, c’est une valeur qui m’a accroché. Ce n’est pas l’argent qui m’attirait, je voulais changer les choses. C’est ce qui donne un sens à ma vie. 

Quelle est votre plus grande réalisation dans votre poste actuel?
Pendant 20 ans, j’ai fait de l’aide directe. Et voir le désespoir sur le visage des gens quand je leur disais que je n’avais pas assez de nourriture à leur donner… j’ai mis toute mon énergie à trouver une solution. Ma porte de sortie, c’est l’économie sociale. 

Aujourd’hui, SOS Dépannage/Moisson Granby gère cinq organisations différentes, dont deux entreprises d’économie sociale, ce qui nous permet d’acheter la nourriture et de faire fonctionner l’organisme sans devoir dépendre des soupers-bénéfices, etc. 

Je peux démontrer qu’un organisme sans but lucratif (OSBL) est capable de s’autofinancer. Nous sommes à 70 % et, à ma retraite, mon but, c’est 100 %.   

Quel est le plus grand défi que vous devez surmonter dans votre poste actuel?
Ne pas normaliser la pauvreté. Chaque cas est un cas nouveau, et il faut être capable d’avoir de l’empathie et de contrôler ses émotions pour ne pas se laisser envahir par la tristesse et le désespoir. 

C’est aussi de sensibiliser la population : ce ne sont pas les paniers de Noël qui font que les enfants mangent en septembre. Les gens ont faim à longueur d’année! 

Si vous pouviez faire un seul vœu pour régler le problème de la faim au Canada, quel serait-il?
C’est sûr que le gouvernement a un rôle primordial dans tout ça. Pour moi, la société, notre Canada, c’est comme un gros serpent. La tête (le gouvernement) prend des décisions qui ont des conséquences énormes pour les gens au bout de la ligne (la queue). Il faut être plus juste envers ceux qui ne peuvent pas et ne pourront jamais s’en sortir. Il faut mettre des mesures en place.   

J’ai rencontré bien des gens qui voulaient se sortir de la pauvreté, mais qui n’étaient pas outillés à réintégrer le marché du travail. Il y a des étapes à franchir quand tu n’as pas travaillé depuis quatre ou cinq ans ou que tu as fait une dépression. C’est ce que le monde politique ne comprend pas. Les projets d’insertion sociale existants ne fonctionnent pas. 

Quel talent aimeriez-vous le plus avoir?
Communicateur! Pour être plus intéressant et essayer d’influencer les gens davantage. 

Si vous pouviez remonter le temps et vous donner un conseil à vous-même, quel serait-il?
Hum… c’est difficile de répondre, car ma vie n’aurait pas été la même. Peut-être de continuer mes études. Par contre, j’ai eu la meilleure « job » au monde et j’ai réussi parce que je suis un gars de cœur. 

Qui sont vos héros fictifs ou réels?
Quand j’étais jeune, j’ai lu un livre d’un disciple d’Emmaüs (un organisme à but non lucratif qui aide les démunis), et ça m’a beaucoup marqué. 

Quelle est votre conception du bonheur?
D’être en paix avec soi-même. D’apprécier ce qu’on a : « Si tu n’as pas ce que tu aimes, aime ce que tu as ». 

En intervention, j’écoutais les familles qui n’avaient pas d’argent, qui s’étaient fait menacer par Hydro et dont la femme était malade. Je retournais chez nous et me disais « comme je suis chanceux ». 

Ma famille aussi : j’ai quatre sœurs extraordinaires, qui ont cru en moi. 

Quelle est votre devise?
Honnêteté. Tolérance aux différences. Je me fais un devoir de le verbaliser avec mes employées et bénévoles.   

Apprenez-nous un fait inusité à votre sujet.
Eh bien, j’ai fait deux démarches en prêtrise. Mes « chums » voulaient être avocats ou architectes et se moquaient de moi. Mais c’est ce que je voulais faire. Une chance que j’ai emprunté une autre voie, sinon je n’aurais pas été capable de faire tout ce que j’ai fait par la suite. 

Quelle chanson vous représente le mieux?
Tu trouveras la paix dans ton cœur (2019), un hommage à Renée Claude, une chanteuse québécoise atteinte de la maladie d’Alzheimer. 

Vous connaissez une banque alimentaire ou un acteur du milieu que nous pourrions mettre en vedette dans le prochain Coup de projecteur? Communiquez avec nous à l’adresse communications@foodbankscanada.ca.