Novembre 2019 a été un mois sans pareil pour Billy Palluq, qui siège désormais au comité de la banque alimentaire de Kangiqtugaapik, à titre de secrétaire-trésorier. Billy déjeunait en écoutant la radio locale, comme d’habitude, lorsqu’il a entendu l’appel à l’aide de Vera Kalluq. Vera, qui est maintenant présidente de la banque alimentaire de Kangiqtugaapik, avait du mal à nourrir sa famille. Cet appel sincère a touché Billy, et il a ressenti le besoin d’aider.
« Fin novembre 2019, j’ai entendu Vera lancer un cri de détresse sur notre radio locale pour demander de l’aide aux banques alimentaires, car elle traversait une période difficile. Je l’ai appelée, et j’ai aussi appelé d’autres personnes qui voulaient l’aider, pour leur demander de me rejoindre à la salle du conseil du hameau. J’avais une idée. »
Billy s’est dirigé vers la salle du conseil du hameau avec l’espoir que d’autres personnes voudraient aussi apporter leur aide. Il avait besoin de cinq personnes. Fort d’un bagage en économie et d’une expérience en matière de subventions et de prêts, Billy savait que la meilleure chose à faire était de constituer une compagnie en personne morale, car ils seraient alors en mesure de faire des demandes de financement et de subventions.
« J’ai pu obtenir la participation de six bénévoles, dont Vera. Je leur ai expliqué que nous devions constituer une compagnie en personne morale pour obtenir des financements. J’ai écrit leurs noms et adresses et je leur ai demandé de signer (en présence de notre réceptionniste). J’ai payé 50 $ au Bureau d’enregistrement du Nunavut pour constituer une compagnie. Une fois que notre demande a été approuvée, j’ai pu demander des subventions et d’autres contributions. Nous l’avons nommée la Banque alimentaire de Kangiqtugaapik, et elle a été officiellement constituée en décembre 2019. »
Le chemin à parcourir n’était pas facile. Comme dans la majeure partie du pays, la pandémie a compliqué les choses et Billy ne savait pas trop à quoi s’attendre.
« Une fois l’enregistrement effectué, je savais que j’allais pouvoir faire des demandes de financement auprès des organisations inuites, du gouvernement du Nunavut et du gouvernement fédéral. Cependant, j’ai dû surmonter de nombreux défis pour obtenir des financements. C’était plus compliqué que prévu. En raison de la COVID-19, de nombreux organismes n’étaient pas en mesure de se réunir régulièrement pour examiner les demandes de financement. J’étais désespéré. »
Mais Billy n’a pas abandonné. Il a appelé tous ses contacts.
« J’étais résolu à faire mon possible. J’ai pensé à d’autres endroits où je pourrais faire une demande et puis j’ai eu une idée. J’ai déposé une demande auprès du ministère du Développement économique et des Transports, dans le cadre du Programme de distribution d’aliments du pays, afin d’engager des chasseurs pour aller chasser le phoque. J’ai demandé aux chasseurs de donner la viande aux personnes qui en faisaient la demande. J’ai également discuté avec l’organisation de chasseurs et de trappeurs, un centre communautaire local, de la possibilité d’utiliser leur congélateur communautaire s’il restait de la viande de phoque. Heureusement, toute la viande de phoque a été distribuée dès qu’ils sont revenus de la chasse. »
Mais c’est Banques alimentaires Canada qui est vraiment intervenu.
« En juin 2020, j’ai entendu parler du Fonds d’urgence pour la sécurité alimentaire de Banques alimentaires Canada, financé par le gouvernement, et j’ai soumis une demande d’un montant d’un peu plus de 45 000 $. Le même mois, j’ai également fait une demande auprès de la Qikiqtani Inuit Association (QIA) dans le cadre du Qikiqtani Cultural Activities Program (QCAP) pour former nos bénévoles sur la façon d’écorcher la fourrure de phoque et de la préparer pour fabriquer des vêtements pour notre communauté. Puis j’ai eu l’appel. Banques alimentaires Canada a communiqué avec moi pour me dire qu’ils avaient approuvé ma demande dans le cadre du Programme de récupération d’aliments excédentaires. »
Très enthousiaste en raison de cet appel, Billy en a parlé à ses collègues qui étaient tout aussi enthousiastes. C’était vraiment important pour lui. Ça voulait dire que tous ses efforts étaient récompensés. Un plus grand nombre de Canadiens dans le besoin pourraient nourrir leur famille.
« C’était extraordinaire d’obtenir un financement de Banques alimentaires Canada. J’ai immédiatement avisé notre présidente Vera Kalluk et elle était stupéfaite. Elle ne pleurait plus comme en novembre. On a eu un moment de panique excitante. Tous nos bénévoles et moi-même étions extrêmement heureux. »
Billy a tout de suite pensé à la logistique. Et le partenariat entre Banques alimentaires Canada et Arctic Co-operatives Limited (ACL) a été déterminant pour la mise en œuvre réussie de ce financement.
« Comme nous n’avons pas de compte en banque et qu’il n’y a pas de banque dans une communauté isolée comme Clyde River, j’ai communiqué avec Duane Wilson, vice-président d’Arctic Co-operatives Limited, pour voir s’ils seraient prêts à recevoir les fonds et à expédier les denrées de Winnipeg, au Manitoba, à Clyde River, au Nunavut. ACL a été heureux d’apporter son aide. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est que Banques alimentaires Canada était prêt à travailler avec ACL pour fournir des denrées aux personnes dans le besoin, même si nous n’avions pas de compte en banque. Cela n’avait pas d’importance. Je me suis dit : Ce sont vraiment des Canadiens avec une belle âme. »
Après avoir réglé la logistique relative au financement, Billy était impatient de commencer la partie la plus excitante du travail : la distribution de denrées alimentaires. Mais cela a également nécessité une certaine attention. Le transport a toujours été un problème dans les communautés du Nord, surtout avec les routes glissantes et parfois aucun accès à une route. Ces obstacles ne l’ont pas arrêté pour autant.
« J’ai tout de suite su que je devais parler à l’administration du hameau, ici au Nunavut. Lorsque j’ai demandé si je pouvais emprunter un véhicule pour ramasser les denrées, l’administration du hameau a été très heureuse et nous a volontiers prêté un camion pour aller chercher les denrées alimentaires. Lorsque nous sommes arrivés, les agents de Canadian North ont été extrêmement serviables et ont transporté nos denrées alimentaires jusqu’au camion. »
Le coût de la vie dans le Nord étant très élevé, un entrepôt pour conserver les denrées alimentaires n’était pas envisageable. Ils ont donc dû faire preuve de créativité et utiliser ce qui était à leur disposition.
« Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un bâtiment pour notre banque alimentaire, nous avons donc utilisé les résidences des bénévoles. En arrivant chez eux, nous répartissions les denrées comme nous le pouvions, au sud, à l’ouest et au nord, là où vivent tous les bénévoles. Il y avait toujours une file d’au moins 30 personnes qui attendaient pour récupérer les denrées. Aujourd’hui encore, j’entends des gens dire « Merci Billy pour la banque alimentaire. » Et ces simples mots me font toujours chaud au cœur. »
Les bénévoles n’avaient jamais fait ce travail auparavant et elles étaient désireuses de faire tout ce qu’il fallait.
« Les quatre femmes bénévoles ont suivi un cours à l’Ilisaqsivik Society sur la manipulation des denrées alimentaires, la désinfection des emballages, le respect de la distanciation physique. Elles demandent aux personnes qui vont chercher des denrées alimentaires d’appeler avant de venir pour que les aliments soient mis dans des sacs et remis dès qu’elles se présentent à la porte. Nous avons appris à être prudents, à porter des masques lorsque nous distribuons des denrées alimentaires. Heureusement, il n’y a pas eu de cas de COVID-19 à Clyde River, au Nunavut. »
Tout s’est parfaitement mis en place et Billy n’arrivait pas à croire ce que Banques alimentaires Canada était en mesure de faire.
« Aujourd’hui encore, je suis étonné que mes demandes aient été approuvées. Banques alimentaires Canada a fait un excellent travail en fournissant des denrées alimentaires et un financement aux banques alimentaires à travers le Canada, y compris au Nunavut (Nord). En collaborant avec des organisations comme Arctic Co-operatives Limited. Ils ont prouvé que les denrées alimentaires peuvent atteindre les points les plus éloignés du nord du Canada. C’est possible. Le Nunavut compte 23 magasins dans 24 communautés. Clyde River, la communauté la plus isolée du Nord, est la seule à ne pas avoir de magasin Coop, mais nous avons quand même pu travailler avec ACL pour distribuer des denrées alimentaires. Cela ne serait jamais arrivé si Banques alimentaires Canada n’avait pas coopéré avec ACL. »
Et maintenant, en écoutant sa station de radio locale, il entend une histoire différente de celle qu’il a entendue en novembre 2019.
« Il y a moins de plaintes concernant le manque de nourriture et les gens me remercient chaque fois qu’ils me voient au magasin ou ailleurs dans la communauté. Même les bénévoles sont heureux que j’aie pu obtenir un financement pour recevoir des denrées de ACL et la distribuer gratuitement. »